Le RER devait initialement être une alternative au métro, "à moindres coûts", "sans obstacle majeur ni de contraintes techniques". Mais désormais, c'est un projet qui suppose un investissement de près de deux milliards d'euros ! Sans étude de rentabilité, sans étude d'opportunité...
Des coûts qui s'envolent
La Métropole est confrontée à d'importants problèmes de mobilité, car la croissance n'a pas été anticipée par les élus. Son Président a même évoqué dans une conférence de presse un "échec collectif". Dans ce contexte, le RER est apparu comme une réponse facile permettant aux élus de tous bords de communiquer sur leur implication. Son principal promoteur, Gérard Chausset, a porté le projet dans un esprit d'opposition au métro. Le RER devait être un projet à "moindres coûts". En réalité, Sud-Ouest fait observer qu'"il n'existe pas [...] de chiffrage précis du projet de RER, mais on évoque une enveloppe de plus d'un milliard d'euros d'ici à 2028". A ce milliard, il faut ajouter une facture de 930 millions d'euros pour faire sauter le bouchon ferroviaire au sud de Bordeaux, ce qui est indispensable pour faire circuler ces RER.
Un projet hors compétences métropolitaines
La Métropole s'est résolument engagée dans ce projet alors même que le ferroviaire ne relève pas de ses compétences. La Métropole n'est en effet compétente que pour participer "à la gouvernance et à l'aménagement des gares situées sur le territoire métropolitain". Le projet de RER comprend pourtant des équipements ferroviaires hors de la Métropole (Arcachon, Libourne, Cestas, Saint-Mariens) et ne porte pas seulement sur l'aménagement de gares.
Les autres collectivités n'ont pourtant pas le même enthousiasme quand il s'agit de soutenir la Métropole dans l'exercice de ses compétences. Le département n'a jamais hésité ainsi à souligner son incompétence pour ne pas soutenir les investissements de la Métropole. Le tramway a également été essentiellement financé par la Métropole et les subventions ont été très résiduelles (les subventions de collectivités autres que l'Etat ont à peine couvert 5% du financement de la phase 1 du tramway !). Pour le RER, le contribuable métropolitain est en revanche très sollicité par les autres collectivités.
Un projet porté par le contribuable métropolitain
Alors que le projet de RER voit ses coûts s'envoler, alors que ce projet ne relève pas des compétences de la Métropole mais plutôt de la compétence d'autres collectivités, le contribuable métropolitain reste au coeur de ce projet. Certes, la région est l'autre partenaire clé dans ce dossier, mais le contribuable métropolitain est aussi un contribuable régional. Au regard des compétences régionales, le RER doit être la priorité de la région avant d'être celle de la Métropole. Les autres partenaires pressentis se montrent par ailleurs très discrets quand il s'agit de s'engager financièrement. La participation de la SNCF reste par exemple inconnue. En l'absence de la SNCF, c'est donc la moitié du coût de ce dossier qui reposerait sur le contribuable métropolitain quand l'autre moitié relèverait aussi de lui en partie en tant que contribuable régional. Plutôt que de porter lui-même ce projet qui relève principalement de sa compétence, l'État entend quant à lui se contenter de subventionner le RER métropolitain. Les intercommunalités qui en bénéficieraient directement sont également absentes du tour de table financier même si elles ne manquent pas de faire valoir leurs intérêts dans ce dossier. Le vice-président de la région chargé du RER explique pourtant dans Sud-Ouest : "Le projet les concerne, on discutera avec elles." Bien sûr, ces collectivités sont incompétentes pour financer (ainsi donc que pour décider...), mais la Métropole aussi !
Un enthousiasme surprenant en l'absence d'étude de rentabilité
On se souvient d'Alain Anziani, Président de la Métropole, témoignant dans 20 minutes de ses réserves sur le métro faute d'étude de rentabilité et de faisabilité. Pourtant une telle étude a bien été réalisée à la suite d'une commande de la Métropole dont il était premier vice-président. Et cette étude a bien démontré que le métro était réalisable, utile et surtout rentable. Rien de tel pour le RER en revanche ! On s'étonne alors de l'enthousiasme du Président à l'heure où les coûts s'envolent sans que l'intérêt de l'investissement ait été certifié. Un rapport du conseil de Bordeaux Métropole s'appuie toutefois sur une étude selon laquelle le RER drainerait 10 000 usagers supplémentaires, sans que cela puisse attester de la rentabilité de ce projet. À vrai dire, il est peu probable que 10 000 usagers supplémentaires suffisent à justifier un investissement de près de deux milliards d'euros ! Le "Monsieur RER" de la SNCF, Édouard Parant avertissait déjà fin 2019 dans Sud-Ouest qu'il ne fallait pas trop attendre du RER : "Il n’y aura pas de grand soir." Il faut être au moins aussi enthousiaste que le Président de la Métropole pour investir deux milliards d'euros dans ces conditions. Et ce d'autant plus que le RER pourrait en réalité aggraver la situation des transports en commun dans la Métropole.
Un RER aggravant la situation
Le RER répond à une demande qui aujourd'hui est essentiellement satisfaite par l'usage de la voiture : voyager de périphérie en périphérie. En évitant le coeur de la Métropole, le RER peut donc éventuellement mordre sur la part modale de la voiture.
Mais il ne décongestionnera pas le tramway qui, lui, répond à des besoins très différents et nombreux puisqu'il s'agit de gagner l'hypercentre. Et avec un RER, les trams (et accessoirement les bus) restent le seul moyen de transport en commun entre les gares et l'hypercentre. Le RER augmentera donc la pression sur le réseau TBM alors qu'il est déjà saturé aux heures de pointe.
La gare Saint-Jean pourrait elle-même être plus congestionnée qu'elle ne l'est déjà à cause des flux de voyageurs. Si les gares centrales de Rennes et de Toulouse seront desservies par deux lignes de métro d'ici quelques années, la gare Saint-Jean ne le sera quant à elle que par une ligne de tramway (la D n'étant qu'une branche de la C) et par un bus en site propre.
Ne l'appelez plus RER !
La SNCF a adopté un schéma directeur pour l'exploitation de "service express métropolitains" (SEM) sur les étoiles ferroviaires des grandes agglomérations. Et voilà le RER mort-né. Cette nouvelle appellation de SEM rend compte de ce que les projets provinciaux ne peuvent pas être comparés à un RER qui traverse elle coeur de l'agglomération et le dessert grâce à plusieurs gares. Les SEM bénéficient surtout aux périphéries des agglomérations. Pierre Hurmic plaidait d'ailleurs pour l'appellation de "RER girondin", non pour souligner l'importante implication financière du département (au contraire...), mais parce que ce service s'adresse surtout aux habitants de la périphérie.
Le SEM répond essentiellement au phénomène d'étalement urbain. L'aire urbaine bordelaise est ainsi très étendue et les territoires périphériques sont peu denses. Ce contexte est très peu adapté à l'usage des transports en commun : il faut soit privilégier la desserte avec des lignes sinueuses et des arrêts nombreux au risque de dégrader les performances du transport en commun, soit privilégier les performances du transport en commun avec des lignes droites et des arrêts moins nombreux au risque de diminuer l'attractivité des lignes. En l'occurrence, les gares girondines sont parfois excentrées et leur environnement n'est pas dense. En conséquence, la plupart des usagers devront prendre leur voiture pour rejoindre la gare la plus proche, prévoir une certaine marge pour éviter d'avoir à attendre le suivant dans 1/4h au mieux, 1/2h au pire, prendre le train et, à la gare d'arrivée, atteindre leur destination finale en utilisant des transports en commun désormais peu fiables et bondés ou en prenant un vélo ou en marchant. Dans ces conditions, il est probable que les nouveaux usagers ne se bousculent pas avec un SEM à 2 milliards !
Oui à l'amélioration des TER à coût constant
Pour l'association, le métro doit s'appuyer sur les infrastructures ferroviaires existantes et sous-exploitées de la périphérie. Nous avions imaginé un métro qui utiliserait ainsi la ceinture ferroviaire de Ravezies à Pessac centre et à la Médoquine, loin de la saturation, pour permettre des déplacements de périphérie à périphérie mais aussi pour améliorer les connexions vers le centre.
La Brazzaligne serait également mise à profit pour mieux relier la rive droite à la rive gauche alors que le seule connexion centrale, le pont de pierre, est extrêmement fragile. On parle ainsi d'arrêter l'exploitation de la ligne A pour entreprendre des travaux lourds sur cet ouvrage. Surtout, l'ancien vice-président de Bordeaux Métropole chargé des transports nous faisait part de ce que, en 2025, le tram A ne pourra plus répondre à la demande pour rejoindre le centre, rive gauche.
Il n'y a donc pas lieu d'opposer le ferroviaire et le métro. Les deux sont complémentaires et le ferroviaire doit être développé "à moindres coûts" comme la promesse en a été faite. Mais il faut aussi tenir compte des limites de chaque mode. Et, avec un projet de RER dont les coûts s'envolent alors que les bénéfices sont réduits, la Métropole pousse le RER en dehors son champ de pertinence... et ça ne permettra pas de faire l'économie d'un métro !
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