La Commission consultative des services publics locaux (CCSPL), qui rassemble des élus métropolitains et des représentants d'associations, s'est réunie le 27 septembre 2022 afin d'examiner le rapport annuel du délégant (Bordeaux Métropole) à propos de l'exploitation du réseau de transports en commun en 2021. Voici les observations qui ont été faites par Mickaël Baubonne pour l'association. Si la présidente de la CCSPL a indiqué que des réponses seraient fournies par les services de la métropole « dans les jours à venir », nous de disposons d'aucune réponse plus de trois mois après.
Aucune rencontre avec les usagers n’a eu lieu depuis mai 2019.
Ce qu’on remarque dès le départ dans le rapport du délégant, c’est d’abord l’absence d’organisation de rencontres avec les usagers. Aucune rencontre avec les usagers n’a eu lieu depuis mai 2019, bien qu'elles soient prévues dans le contrat de délégation de service public ! Il est précisé dans le rapport que c’est « compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire ». Mais plus rien ne justifie l’absence d’une telle réunion en 2021, encore plus en 2022. Et faute de réunion depuis mai 2019, la moindre des choses aurait été d’en organiser une le plus tôt possible en 2022, alors que la situation sanitaire le permet. Nous avons adressé un courriel, en mai 2022, au nom de l’association Métro de Bordeaux à la vice-présidente déléguée aux transports pour demander l’organisation d’une telle rencontre. Nous sommes toujours dans l’attente de la réponse. Évidemment, nous demandons l'organisation d’une rencontre annuelle avec les usagers, pas d’une rencontre avec une association quand bien même se prétendrait-elle représentative des usagers puisqu’aucune association ne peut à ce jour se revendiquer représentative des usagers, a fortiori quand la qualité d’usager ne suffit pas pour y adhérer. Et comme Métro de Bordeaux n’est pas plus représentative que les autres, c’est bien une rencontre avec les usagers que l’on attend et non une rencontre avec Métro de Bordeaux. Cette rencontre annuelle avec les usagers aurait été l’occasion sans doute de vous faire remonter quelques remarques que nous avons récoltées avant cette CCSPL : par exemple, le problème récurrent des annonces sonores défectueuses dans les bus et dans les trams.
Les transports en commun sont un mode complètement à l’écart de cette ouverture à l’open-data.
Ensuite, on s’étonne de ne pas avoir d’open-data en matière de transports en commun, ou alors très peu, de manière très marginale. Le délégant insiste sur l'obligation de « reporting ». On se demande pourquoi ces données de reporting ne sont pas ouvertes en open-data. Les transports en commun sont un mode complètement à l’écart de cette ouverture à l’open-data. On sait en revanche la Métropole particulièrement attachée à la fourniture de données sur la pratique du vélo, ce qui a d’ailleurs permis de développer des outils très intéressants en la matière. Comment expliquer que cette énergie ne soit pas également mise au profit des usagers des transports en commun ? Y a-t-il une hiérarchie entre les modes vertueux de déplacement qui justifie cette différence de traitement ?
Je rappelle aussi que toutes les données relatives à l’exploitation d’un service public – toutes les données relatives à l’exploitation d’un service public – constituent des documents administratifs au sens du code des relations entre le public et l’administration. Qu’est-ce qui peut justifier la mise à l’écart des transports publics de ce mouvement de démocratisation des données ?
La communication du rapport du délégant est certes intéressante, mais « en plus » pas « à la place » de celui du délégataire.
Au sujet de transparence, la présente CCSPL est réunie pour l’examen du rapport du délégant. Or, l’article L.1413-1 du code général des collectivités territoriales précise que la CCSPL examine chaque année, sur le rapport de son président, le rapport établi par le délégataire du service public, et non pas par le délégant du service public. La communication du rapport du délégant est certes intéressante, mais « en plus » pas « à la place » de celui du délégataire. Alors y aura-t-il donc une autre réunion pour examiner le rapport du délégataire et se conformer ainsi à cette obligation légale ? C’est bien sûr chronophage pour nous bénévoles associatifs, qui ne sommes pas rémunérés comme des professionnels ni indemnisés comme des élus, de devoir assister à deux réunions différentes pour examiner ces deux rapports.
Il est rappelé que les rapports du délégataire ne sont plus communiqués dans leur intégralité depuis celui de 2019. Pourtant, nous avons saisi la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à deux reprises, d'abord après un refus de communiquer ces documents puis après un refus de communiquer un document non tronqué et non caviardé. Malgré les deux avis de la CADA favorables à nos demandes, malgré nos interpellations de Clément Rossignol-Puech, de Serge Tournerie, du guichet CADA, l’absence à nouveau de communication du rapport du délégataire pose vraiment question. À ce jour n’ont donc pas été communiqués dans leur intégralité :
- rapport du délégataire de 2020 sur l’année 2019
- rapport du délégataire de 2021 sur l’année 2020
- rapport du délégataire de 2022 sur l’année 2021
Tous sont des documents administratifs, dans leur entièreté, communicable, comme l'affirme la CADA. Tout est communicable et notamment l’annexe 3 de ces rapports qui est particulièrement intéressante puisqu'elle fait le bilan du réseau ligne par ligne.
De plus, l’examen du rapport du délégataire doit, toujours selon les termes de l’article L1411-3 du CGCT, « dès sa communication » être mis à l’ordre du jour de « la plus prochaine » réunion de l’assemblée délibérante. Traditionnellement, ce rapport du délégataire est daté de février de l’année en cours. La CADA a également rappelé, dans son premier avis, que ce devait être « dans la plus prochaine de l’assemblée délibérante » que ce rapport était examiné. On comprend mal dès lors que ce rapport du délégataire soit toujours examiné après l’été, généralement en septembre - octobre.
Nous ne disposons pas de données analytiques, ligne par ligne.
En l’absence de ce rapport du délégataire, nous ne disposons pas de données analytiques, ligne par ligne, ce qui constitue normalement l’annexe 3 de ce document : notamment, nous ne disposons pas des recettes, des dépenses, pannes, etc., ligne par ligne. Nous ne disposons pas non plus de la vitesse commerciale des différentes lignes alors que c’est déterminant pour l’usager – puisque c’est un critère de confort et d’attractivité –, c’est déterminant également pour l’exploitant – puisque ça détermine la robustesse du réseau –, et c’est également déterminant pour la métropole – puisque derrière, il y a la question du coût du service. On ne peut donc pas se faire une idée de l’exploitation d’un réseau de transports en commun sans aucun élément sur la vitesse commerciale.
On note un problème de qualité concernant les rames et les bus en sortie de dépôt.
Ensuite, sur la disponibilité du réseau et du matériel roulant, on note un problème de qualité concernant les rames en sortie de dépôt, systématiquement très inférieure à l’objectif de 95% depuis 2016 (sauf deux vagues de mesures en 2018). Donc quelles sont les mesures durables prises pour lutter contre cela et est-ce que cela explique le déficit de rames mises en ligne (87,10 % des services non assurés le sont par manque de rame, soit 20365km perdus, la majorité aux heures de pointe : on imagine dans quelle mesure ça peut déstabiliser le service) ? D’ailleurs, le rapport indique que 90% des courses non effectuées en heure pleine sont du fait d’un manque de conducteurs. En tout état de cause, ça interroge alors que l’exploitant à la prétention de passer à une fréquence de 2 minutes 30 : avec quels conducteurs et avec quelles rames alors qu’il en manque déjà ? Il y a également un problème de qualité concernant les bus en sortie de dépôt, toujours très inférieure à 95% depuis 2016 (sauf 2018).
Le taux d’indisponibilité du réseau de trams est de 11,63% en ne prenant en compte que les interruptions de plus de 10 minutes !
On relève également un taux d’indisponibilité extrêmement élevé du tramway, et même inquiétant. Certes, il y a seulement eu 253 perturbations imputables au délégataire, mais 991 non imputables. Pour l’usager, que ce soit imputable ou non imputable, c’est exactement la même chose : il ne peut pas prendre le tram, il ne peut pas prendre le bus. Le taux d’indisponibilité du réseau de trams est de 11,63% en ne prenant en compte que les interruptions de plus de 10 minutes ! Une interruption de 9 minutes 59 secondes quand on veut atteindre une fréquence de 3 minutes, c’est plus de 3 passages de perdus ; encore plus quand on parle d’une fréquence, illusoire, de 2,5 minutes. Et là, on parle de la colonne vertébrale du réseau de transport en commun. Ça interroge sur la fiabilité et l’attractivité du réseau. Et les travaux tous les étés, commencés alors que le tram n’avait pas 15 ans, et aujourd’hui les travaux à toutes les saisons jouent beaucoup dans l’indisponibilité du réseau. Il est impossible de compter sur les bus relais, trop rares, trop tard, trop saturés, trop lents… surtout avec des solutions complètement loufoques : par exemple relier Stalingrad à Mériadeck en passant par les Quinconces. Plusieurs mois, la disponibilité de ce moyen de transport lourd qu’est le tramway est inférieure à 70% ! A-t-on déterminé le coût de ce niveau d’indisponibilité ? Ce serait essentiel et urgent à faire si ce n’est pas déjà le cas ! Donc on aimerait bien avoir des données sur le coût de ce niveau d’indisponibilité. D’ailleurs, la disponibilité pourrait être une donnée délivrée en open data, comme s’y était engagé Keolis lors de la rencontre annuelle des usagers en 2019, d’où l’intérêt aussi de cette rencontre annuelle des usagers.
Le taux de pannes du tram est en baisse par rapport à 2019 (0,30 panne tous les 10000 kilomètres contre 0,44 en 2019) mais en hausse par rapport à 2020 (0,30 contre 0,25 en 2020). On s’aperçoit que quand la pression sur le tram chute, le taux de panne baisse drastiquement mais qu’il augmente en même temps que la fréquentation. D’où la nécessité – urgente – de soulager le tramway, y compris les infrastructures. De ce point de vue, on peut s’interroger quant à la pertinence à augmenter considérablement la pression en créant très artificiellement deux nouvelles lignes de tram. Le manque de transparence quant aux raisons des interruptions peut être également soulevé puisque très souvent on invoque un incident technique. C’est notamment le cas sur la ligne C vers Blanquefort, avec des interruptions à répétition en raison d’incidents techniques, sans plus d’informations pour les usagers. Après des pannes récurrentes, on aimerait bien savoir quels sont ces incidents techniques et quels sont les moyens mis en œuvre pour éviter la même chose le lendemain.
Sur la ponctualité et la régularité, nous avons un indicateur à 0 sur toute l’année sur l’ensemble de lignes C/D alors que l’expérience montre que l’embranchement de ces lignes C/D pose bon nombre de problèmes.
Sur la ponctualité et la régularité, nous avons un indicateur à 0 sur toute l’année sur l’ensemble de lignes C/D alors que l’expérience montre que l’embranchement de ces lignes C/D pose bon nombre de problèmes. Dans un de ses rapports Keolis – d’où l’intérêt encore une fois des rapports des délégataires – Keolis observait que le bon fonctionnement des lignes C/D était régulièrement altéré. Donc on peut s’interroger sur la représentativité de cet indicateur et sur les raisons de l’absence de données, qui tombe finalement plutôt bien : « faute de journée entièrement exploitable » est-il écrit. Qu’est-ce que ça signifie exactement ?
Le calcul même de la fréquence interroge. Vous prenez en compte, un intervalle de référence auquel vous ajoutez 59 secondes maximum. Un intervalle moins important que prévu pose à peu près autant de problèmes qu’un intervalle plus important que prévu. Est-ce donc intervalle de référence +/- 59 secondes ou strictement + 59 secondes ? Autrement dit, la fréquence est-elle respectée si une rame arrive 120 secondes après la précédente alors que l’intervalle de référence est de 180 secondes ? Et de toute façon, avec un intervalle de référence de 180 secondes au centre, une marge de 59 secondes semble complètement disproportionnée !
Un voyage effectué en bat3 coûte à la Métropole 14,4 fois plus cher qu’un voyage réalisé en tram !
Sur la fréquentation, on observe un retour des usagers, sauf sur le bat3 où la fréquentation reste très en retrait alors même que l’offre kilométrique est supérieure à celle qu’elle était avant la crise. Ce qui amène naturellement vers la question des coûts, et notamment des coûts du bat3. Il faudrait sans doute, quand même, s’interroger à un moment sur le coût de ces bat3. Un voyage effectué en bat3 coûte à la Métropole 14,4 fois plus cher qu’un voyage réalisé en tram ! Cela interpelle nécessairement quand on annonce encore plus de bat3 dans la prochaine délégation de service public : est-ce que ça va permettre de diminuer cette différence ou est-ce que ça revient à cramer la caisse un peu plus vite ? On peut vraiment s’interroger alors que de nouveaux pontons risquent de ralentir les déplacements pour ceux qui empruntent déjà les bat3 pour autre chose qu’une croisière à pas cher et alors que les nouveaux pontons ne seront pas dans des environnements aussi centraux et denses que les pontons actuels. Et puis finalement, quelle utilité pour le bat3 ? Faut-il même conserver la tarification intégrée pour le bat3 ? On s’affranchît de penser au coût lorsqu’on parle de bat3, qui jouirait d’une forme de totem d’immunité. Animer la Garonne, proposer des curiosités touristiques vaut-il ce coût-là ? C’est possible mais nous aimerions dans ce cas des éléments.
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