C'est l'un des arguments opposés à la construction d'un métro à Bordeaux : le sous-sol. Pourtant, l'impossibilité de creuser à Bordeaux est une légende urbaine entretenue pour faire échec au premier projet de métro de 1986. En réalité, plusieurs ouvrages, dont certains similaires à un métro, ont été réalisés à Bordeaux. Mise au point.
On a déjà creusé sous Bordeaux !
Creuser sous Bordeaux est bien possible. D'ailleurs, la ville est déjà parcourue par tout un chapelet de parkings sur plusieurs niveaux parfois juste à côté de la Garonne. Surtout, le sous-sol de Bordeaux est traversé de collecteurs d'eau et de tunnels d'assainissement.
Ces collecteurs ont la particularité d'avoir été creusés au tunnelier, une technologie qui serait également utilisée pour réaliser un métro. Un tunnelier est en quelque sorte un train, muni à l'avant d'une roue de coupe, qui va creuser et poser les éléments du tunnel (voussoirs) aussitôt. Les risques de désordre en surface sont ainsi réduits. L'un des avantages de cette technologie est que les éléments composant le tunnel restent en place, contrairement au fonçage au microtunnelier, qui consiste à pousser le tube et qui peut, d'expérience, fragiliser les joints.
La possibilité de creuser sous Bordeaux fait finalement peu débat parmi les décideurs et les spécialistes.
Même les principaux opposants au projet de métro de 1986 avançaient l'idée d'un passage en souterrain du tramway et se sont ensuite cherché un autre combat en promouvant un tunnel à la place du pont Bacalan-Bastide.
Un ingénieur recruté par Bordeaux Métropole en 2019 pour travailler sur un éventuel métro à Bordeaux a finalement confirmé que de tels travaux sont bien réalisables dans le sous-sol bordelais.
S'adapter au sous-sol
Le percement du métro tiendrait évidemment compte des caractéristiques, déjà bien connues, du sous-sol bordelais pour que les tunneliers évoluent dans les couches les plus favorables. Le sous-sol à Bordeaux est formé de deux domaines : le domaine alluvial, dominé par les argiles molles, et le domaine karstique, particulièrement hétérogène. Le sous-sol bordelais est également irrigué par trois rivières souterraines, la Devèze, le Peugue et le Caudéran.
Ce contexte géologique invite à creuser un métro à une profondeur d'environ 20 mètres dans les marnes étanches, tout à fait adaptées à ce genre de travaux. Dans le cadre du projet de métro de 1986, la station Saint-Projet était par exemple la plus profonde des stations envisagées, à -25m. Cette profondeur n'a rien d'exceptionnel pour un métro et correspond à ce que l'on peut trouver à Rennes et à Toulouse.
Suivre le tracé des rues
Le tracé proposé dans le cadre du projet de l'association Métro de Bordeaux suit autant que possible les voies de circulation en surface afin de faciliter la réalisation des travaux souterrains.
Cette option structurante permet notamment d'éviter les immeubles de l'hypercentre dont un certain nombre sont bâtis sur des pieux s'enfonçant très profondément.
En cela, la proposition de l'association se distingue nettement des orientations suivies en 1986 dans le premier projet de métro, qui se serait aventuré sous certains pâtés d'immeubles de l'hypercentre.
Le parti pris de l'association de privilégier un passage du métro sous la voirie se rapproche plutôt des principes qui ont guidé, entre 1988 et 1991, la réalisation par tunnelier d'ouvrages souterrains de lutte contre les inondations. Belphégor, Bouscator et Burdiphégor, les tunneliers utilisés, ont ainsi été associés à de rares fontis sur les boulevards, moins liés d'ailleurs à la nature du sous-sol qu'aux caractéristiques des travaux entrepris (juste en dessous de la surface). En respectant le tracé du réseau viaire, les éventuels incidents sont localisés à la voirie et maîtrisés et des mesures de protection peuvent facilement accompagner l'évolution du chantier. C'est d'autant plus vrai que les technologies sont très avancées.
Des technologies nouvelles
Depuis l'expérience bordelaise des collecteurs, les technologies ont considérablement évolué. Les tunneliers eux-mêmes se sont perfectionnés pour s'adapter à des sous-sols et des travaux toujours plus diversifiés. Par exemple, les boucliers, permettant de soutenir la roche à mesure que le tunnelier progresse, ont été améliorés. Les outils de suivi des chantiers sont aussi devenus plus performants.
Alors qu'il fallait parfois attendre plusieurs jours dans les années 1980-1990, les mesures effectuées dans le cadre des travaux du Grand Paris Express remontent quasiment instantanément, ce qui réduit le délai de réaction.
Les mesures de protection ou d'évitement peuvent être prises très rapidement en fonction des mouvements de terrain ou du sous-sol rencontré par le tunnelier.
Les technologies nouvelles, la connaissance très fine du sous-sol bordelais et les orientations prises permettent de s'assurer de la faisabilité d'un métro à Bordeaux. Bordeaux n'est pas la seule ville au monde où des tunnels seraient impossibles. D'ailleurs, des tunnels existent déjà. Ce que Bordeaux a fait pour lutter contre les inondations, Bordeaux peut le refaire pour lutter contre la congestion.
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