La gare Saint-Jean voit sa fréquentation augmenter de façon continue (+8,5% par an), une croissance en grande partie issue de l’inauguration de la LGV Bordeaux-Paris en 2017.
Depuis 15 ans, de grands travaux ont été menés autour de la Gare pour préparer l’arrivée de cette LGV : nouvelle hall côté Belcier, nouveau pont ferroviaire pour faire sauter le bouchon ferroviaire, projet Euratlantique, rénovation de la gare historique…
La Gare est devenue un véritable pôle multimodal ou de nombreux modes de transport se croisent : transports en commun (tram, bus, cars), trains (TGV, Intercités, TER, RER Métropolitain), et déplacements individuels (marche, vélo, auto, taxi, moto, trottinette...).
Depuis Septembre 2024 et pour faire face à cette croissance des flux plus importante que ce qui avait été prévue, un nouveau projet de grande gare a été lancé, pour un budget de 100 millions d’euros. Métro de Bordeaux se réjouit qu’un tel projet soit à l’ordre du jour pour la Gare Saint Jean, mais déplore le manque d’anticipation sur plusieurs points dont le plus essentiel : la question de l’accessibilité de la gare en transport en commun !
Un gros point faible : une desserte en transport en commun insuffisante aujourd’hui comme demain
La Gare Saint Jean est une gare de dimension métropolitaine, française et européenne. Sa fréquentation doit doubler d’ici 2030 en période de pointe. Pourtant, elle reste pour l’instant la seule gare de cette ampleur desservie uniquement par 1,5 ligne de transport lourd avec le tramway en tronc commun (la ligne D n'étant finalement qu'une branche de la C). Cela est notoirement insuffisant quand des gares comparables sont souvent desservies par plusieurs lignes de métro, bien plus capacitaires et adaptées pour répondre à la fréquentation.
Cette problématique d'accès en transport en commun de la gare est un constat aujourd'hui largement partagé.
À titre de comparaison, la gare de Lille Flandres, dont la fréquentation est comparable à Bordeaux Saint-Jean pour 2022, est desservie par 2 lignes de métro, 1 ligne de tramways, et 4 lignes de BHNS.
Toulouse, Lyon, Rennes sont déjà ou seront prochainement desservies par deux lignes de métro alors que, pour deux d’entre elles, la fréquentation de la gare est bien moindre que celle de Bordeaux Saint-Jean.
Un besoin d’anticipation
Sans une action efficace sur les transports en commun en cessant de concentrer tous les flux en surface, il n’y aura pas d’amélioration possible face à la saturation du parvis, des accès, du réseau de transport en commun notamment du tram, ni de la rapidité d'accessibilité de la gare pour les voyageurs.
Nous avions déjà alerté la métropole lors de la concertation sur le RER que ce dernier ferait peser une pression supplémentaire sur la gare Saint-Jean. Mais cette pression se fera aussi par ricochet sur les transports en commun qui la desservent, aujourd’hui sous-dimensionnés pour accueillir comme il convient ces futurs voyageurs... C’est sans compter sur l’augmentation des flux attendue avec la mise en service de la LGV vers Toulouse et l'Espagne en 2032.
Dans le document de concertation, il est indiqué une phrase très encourageante, voire même enthousiasmante : "le pôle doit ainsi intégrer une offre en transports en commun adaptée aux besoins de desserte, et évolutive". On regrette cependant que ne figure aucun élément chiffré sur la fréquentation actuelle des transports en commun pour aller et partir de la gare, ni sur le nombre d’usagers des transports en commun supplémentaires attendus d’ici 2030 du fait de l’augmentation de la fréquentation de la gare. Les transports en commun urbains et leurs usagers actuels et futurs sont les grands oubliés de ce dossier.
Alors qu'une étude sur le métro est en cours dans laquelle la gare St jean est desservie quelle que soit la variante, il est indispensable que ce projet de grande gare soit "métro compatible", pour faire face à cette croissance de voyageurs attendue, mais pour l’heure non anticipée.
L'anticipation est nécessaire, même si en matière de transports dans notre métropole on a la fâcheuse tendance d'avoir un train de retard... Il en va tout autant de la bonne utilisation des deniers publics. Ce serait du gaspillage que de ne pas anticiper les aménagements du futur métro, pour devoir tout démolir à nouveau dans quelques années.
L'étude préliminaire sur le métro prend fin début 2025, les études d'avant-projet de la gare ont lieu en 2025 également.
Les travaux principaux de la gare prévus sont entre 2028 et 2030, si le métro est voté les travaux commenceraient potentiellement en 2030-2032...
Un projet à la mauvaise échelle : l'absence de la métropole
Une chose a marqué l'association durant cette concertation : l'absence apparente de la métropole sur le dossier en qualité de maître d'ouvrage. La balade de diagnostic était ainsi conduite par la seule représentante de la SNCF, qui pilotait seule également l'atelier sur les mobilités. Pourtant, la métropole est officiellement un des nombreux maîtres d'ouvrage du projet et est l'autorité organisatrice de la mobilité pour les transports en commun urbains. D'ailleurs, elle s'est même vue confier la co-maîtrise d'ouvrage avec la SNCF. Finalement, la métropole a délégué sa maîtrise d'ouvrage à la SNCF, qui pilote donc le projet. Même si le fait d'avoir un seul pilote de projet peut être avantageux, cette absence de la métropole se ressent et montre bien que celle-ci ne considère pas le projet de gare comme un projet métropolitain. En effet, Bordeaux métropole se contente de fixer des "contraintes" à l'équipe de la SNCF construisant le projet : "le BEX J est ici, il faut des parkings vélos...", sans réfléchir à des questions de fond.
Durant les réunions de concertation il était assez évident que seul le pôle gare en lui-même et quelques portions de rues alentours étaient réellement étudiés. L'impact de la croissance forte de la gare sur la ville et ses moyens de transport n'est pas intégré à la réflexion. Or, un pôle n'est rien sans son environnement urbain.
D'ailleurs, le projet est tellement centré sur la gare que des décisions absurdes pour les usagers métropolitains sont prises. Par exemple, la décision de mettre la ligne 31 (BEX J) côté Belcier a eu pour motivation un rééquilibrage des flux d'entrée/sortie au sein de la gare. Les usagers du 31 ont vu leurs correspondances s'éloigner et donc se dégrader (tram C, BEX G, ex-lianes 11). Ces correspondances ont été rendues impossibles, car le 31 est désormais isolé des autres lignes, à moins de marcher dans les couloirs saturés de la gare ou, seulement le tram C/D, de rejoindre la station Belcier à 280 mètres (ce qui oblige à s'éloigner du centre-ville pour le rejoindre). L'attractivité de la ligne en est donc fortement réduite, renforçant aussi la saturation de la Gare en elle-même via les traversées souterraines, utilisées par des usagers ne prenant pas le train.
Il est nécessaire que la métropole s'empare du sujet de la gare, sur l'impact que la forte croissance du nombre de voyageurs aura sur la ville. Les usagers ne s'évaporent pas sur le parvis de la gare, ils ont tous une destination/origine, et il ne faut pas oublier les usagers qui passent par le pôle gare sans prendre le train (voitures, tram <> bus, bus <> bus). La saturation de la gare se fait d'ailleurs sentir autour de celle-ci : tram saturé, embouteillages de plusieurs kilomètres, nuisances pour les riverains. Il convient donc de dimensionner les accès à la gare, à l'échelle métropolitaine.
La lianes 31 (futur BEX J), une situation insatisfaisante pour les usagers et riverains
Depuis l'introduction du nouveau réseau en 2023, la corol 31, devenue lianes 31, a été transférée côté Belcier. Le problème est que la rue Terres de Bordes n'est absolument pas adaptée au passage de bus dans les 2 sens, puisque ces derniers sont gênés par les stationnements sauvages des usagers de la gare. Ce conflit d'usage créée des nuisances pour les riverains (klaxons des bus), et perturbe fortement la régularité/ponctualité de la ligne. Effectivement, la lianes 31 était fin 2023 sur le podium des lignes les moins ponctuelles de tout le réseau TBM, avec un taux de ponctualité de seulement 69%. Les usagers de cette ligne sont donc passés en quelques mois d'une situation excellente avec un cumul corol 31/lianes 10, circulant toutes les 7min en heure creuse, 5min en heure de pointe, une correspondance possible avec le tram C/D à la gare, une excellente régularité, à une ligne aux fréquences très faibles hors heure de pointe, une régularité très mauvaise, des suppressions nombreuses, et une correspondance difficile avec le tram C/D. Cette situation n'est pas acceptable.
La solution évidente à cela est de repasser le 31 côté Domercq. Etant donné que la lianes 9 ne desservira plus la gare, et que le BEX G a été déplacé plus au Nord, il y a donc de la place sur le parvis pour le 31. La ligne aurait besoin d'ajustements supplémentaires (diviser la ligne en deux : l'une allant d'Ambès à la Gare, l'autre de Cenon Gare/Jardin Botanique à Gradignan), mais sortent du projet gare.
Des perspectives encourageantes
Métro de Bordeaux soutient les aménagements projetés avec une réserve sur cette question de l’accessibilité en transport en commun.
Le parvis doit muter, avec un revêtement lisse, antidérapant et être débarrassé de tous les véhicules individuels en stationnement entravant les parcours piétons. Cela inclut les deux roues motorisées et les vélos dont le stationnement doit être prévu en sous-sol, l’aspect sécuritaire du stationnement dans cette zone étant un enjeu majeur.
Ce parvis réaménagé pourrait potentiellement être végétalisé avec une réserve néanmoins, celui de la réversibilité des aménagements futurs qui ne manqueront pas de se poser dans les prochaines années. C’est sans compter sur la problématique du parking souterrain qui interdit en l’état de planter des arbres.
Les usagers des bus ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel des mobilités douces et de l’apaisement. Les bus ont toute leur place pour permettre aux voyageurs l’accès à la Gare et pallier les pannes récurrentes du tram. Ils doivent donc garder un accès facilité au parvis.
L’association se réjouit également de la création d'une gare routière pour les cars qui manquait cruellement afin de recevoir les voyageurs dans des conditions de salubrité et de confort plus digne.
La question des souterrains pour l’accès aux voies ne doit pas être négligée non plus. Un percement est prévu dans le projet actuel mais est insuffisant. Un nouveau tunnel doit être créé pour relier tous les souterrains entre eux du côté de Belcier et diluer le flux.
Enfin, revoir les dépose-minute est primordial car ce sont leur absence et leur sous-dimensionnement qui font que le trafic est bloqué autour de la Gare, les voyageurs ne sachant pas où s'arrêter. Cela joue sur la régularité et le trafic des bus.
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