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Photo du rédacteurPaul

Le métro, le maillon manquant pour réaliser parfaitement « La métropole à vélo » de Vélo-Cité

En 2015 a eu lieu l'adoption des accords de Paris, où la France s’est engagée à réduire ses émissions de CO2 de 40 % en 2030, puis de 75 % en 2050 par rapport à nos émissions de 1990. Récemment, l’Union européenne a rehaussé l’objectif de 2030, en le passant à 55 % de nos émissions de 1990, toujours. En France, le transport, essentiellement basé sur le pétrole, est le secteur d’activités qui a le plus d’impact sur notre bilan carbone. En 2018, il représente 41% des émissions de CO2 dues à la combustion d'énergie, selon le ministère de l’Écologie et du Développement durable. Cette part est en régulière augmentation.


Au sein des transports, les véhicules particuliers émettent à eux seuls plus de la moitié de ce secteur d’activités (hors transports internationaux). Il est donc urgent de décarboner nos déplacements. De multiples solutions s’offrent à nous : lutte contre l’autosolisme, véhicules bas carbone et/ou électriques, transport en commun ou encore les mobilités douces (essentiellement la marche et le vélo).

D’autres problématiques plus tangibles que le changement climatique doivent aussi orienter les politiques publiques sur la question des mobilités. Sujet majeur à Bordeaux, la congestion est de plus en plus importante, réduisant peu à peu la fameuse qualité de vie bordelaise. Bordeaux a, par exemple, chuté à la 11e place des villes françaises les plus attractives (en cause, principalement les problèmes de transports et de circulation). * En milieu urbain, plusieurs éléments sont à considérer pour sélectionner le ou les meilleurs modes de transport face aux « bouchons ». Premièrement, l’emprise au sol de chaque véhicule est un critère important. Ainsi, à l’arrêt, une voiture consomme plus de 6 fois plus d’espaces qu’un vélo (environ 10m² contre 1,5m²). Le taux de remplissage des véhicules est un second point à prendre en compte. Avec 1,1 personne de moyenne, une voiture ne transporte guère plus d’occupants qu’une bicyclette. Enfin, la vitesse des voies a un impact sur les distances de sécurité des véhicules. La vitesse de la rocade a par exemple été réduite en juin 2007 pour en augmenter sa capacité. L’ensemble de ces points permet de calculer la capacité moyenne par voie.

Ainsi, une voie de 3,5m de large, a une capacité théorique bien plus grande si elle est traversée par un métro (22000 personnes), puis par des piétons (19000), des cyclistes (14000) et enfin par des bus (9000). Avec seulement 2000 personnes par heure et par voie, la voiture individuelle est la pire réponse urbaine à la congestion. L’autosolisme et la faible densité des voies (dû aux distances de sécurité) jouent, en effet, en défaveur du tout automobile.


Verdir les véhicules légers ne réglera en aucun cas ces problèmes. Un hypothétique embouteillage de véhicules propres n’a aucune différence avec ceux que l’on rencontre de nos jours ; si ce n’est la motorisation. Par conséquent, en agglomération dense, l’automobile individuelle n’est pas et ne sera probablement jamais la solution générale, majoritaire, ou pire, unique de nos quotidiens. Au contraire, les transports en commun et les mobilités actives sont à développer.


« Une voiture reste une voiture. Qu’elle soit verte ou noire, électrique ou pas, du point de vue de la congestion, c’est la même chose. » Helen Lundgaard, responsable des questions de mobilités pour la région de Copenhague (propos recueillis par le Monde diplomatique*).

Au sein des transports en commun, un métro propulsé avec une électricité déjà bas carbone et n’utilisant que très peu de place en surface est sans doute la solution la plus écologique et la plus efficace à mettre en place.


En considérant les points précédents, à Bordeaux comme ailleurs, ce sont les mobilités actives et les transports en commun qu’il faut développer en priorité.


Les chiffres de l’enquête mobilité ménages 2017 de la métropole montrent qu’un report modal vers ces modes semble possible. En effet, l’enquête indique que la moitié des déplacements des métropolitains font moins de 2km. Autre chiffre important, 56 % des déplacements en voiture sont réalisés pour une distance inférieure à 4km. Ces distances sont tout à fait réalisables en transport en commun ou en vélo.


« La métropole à vélo », le plaidoyer de Vélo-Cité (que la majorité des candidats aux dernières municipales ont signé) a justement pour objectif de décupler la pratique de la bicyclette.


Celui-ci comporte différents points que vous pouvez encore consulter sur le site de l’association de défense des cyclistes.* À l’image de notre réseau de bus actuel, le premier et le second point recommandent notamment l’installation de (vélo)lianes structurantes. L’objectif est de garantir aux cyclistes une vitesse moyenne de 19 km/h (l’équivalent de la vitesse commerciale actuelle des trams). La largeur des voies devra permettre à 2 cyclistes de se dépasser sans difficulté sur plus de 60 % des tracés (en garantissant notamment une largeur de 1m50 par sens de circulation). Surtout, ces 2 points insistent sur la nécessité d’isoler ou de « très bien protéger » les vélos du trafic automobile pour 80 % de la longueur.



Des vélolianes pas toujours en site propre


Une analyse rapide de la carte des lianes recommandées par Vélo-Cité permet de s’apercevoir que la liane C devrait utiliser le cours de la Marne. Les lianes C et E contourneront également la place de la Victoire. Toujours oublié lors des différentes créations de nouvelle ligne de tram, ce cours est la connexion directe entre la gare Saint-Jean et la principale place étudiante de la ville. Ces derniers verront, prochainement, l’arrivée du Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) de St Aubin.


L’espace public n’est pas extensible


Même si, sur l’ensemble du projet de BHNS, on peut souligner une réelle volonté de prendre en compte les cyclistes (1 180m de pistes, 24 640m de bandes cyclables, abris sécurisés, arrêts prenant en compte les cyclistes), la réalité sera différente à Bordeaux. Prenons l’exemple du cours de la Marne - cours utilisé par la future véloliane C. La largeur de ce cours ne sera pas suffisante pour permettre la création de 2 couloirs de bus. Par manque de place, une seule voie sera réservée au bus (aucune au niveau de la Victoire). Il ne faut donc pas espérer que les cyclistes aient leur propre voie de 1,50m comme le recommande Vélo-Cité dans son plaidoyer pour 80 % de son réseau. Comme sur une bonne partie du projet, les cyclistes devront circuler avec les bus. Par endroits, à l’image d’une partie du couloir du cours de la Marne, la voie vélos et bus sera aussi partagée avec les voitures. Sur tout le tracé bordelais du BHNS, à partir du parc bordelais, les couloirs seront réduits en largeur (entre 3m et 4,20m). Une situation conflictuelle se dessine ici. Plusieurs mesures sont à considérer : le gabarit dynamique d’un cycliste recommandé par le Cerema (1m), la distance minimale d’un mètre pour doubler un vélo (en ville, d’après le code de la route), ainsi que la taille des bus (2,55m). Ainsi, si l’on souhaitait que les BHNS contournent les cyclistes sans mordre sur la voie adjacente, la taille minimale des couloirs aurait dû être de 4,55m.


Soit il manque entre 35cm et 1,55m pour assurer la sécurité de tous, soit nous pouvons nous interroger sur la qualification de « site propre » pour le BHNS en intra-boulevard ! Car pour dépasser un cycliste, les bus devront attendre que la voie voisine soit libre. Ils deviendront donc dépendants de la circulation.


Alors qu’il n’est déjà pas très agréable de se faire dépasser par un bus d’une longueur « classique » (18m), le projet prévoit à terme de faire circuler des bus de 24m. De plus, comme le nom du projet l’indique, la fréquence des bus sera importante (toutes les 5 min en heure de pointe). Point louable, les bus seront électriques et donc plus silencieux.


Résumons la situation : en 2024, à Bordeaux, sur la véloliane C, les cyclistes seront en concurrence avec des bus silencieux (donc plus difficiles à entendre et anticiper) ayant une fréquence élevée. À terme, les bus (ainsi que leurs dépassements) seront plus longs.


Chacun des projets ayant pour but d’augmenter la fréquentation de leur mode respectif, on peut craindre que la cohabitation soit tendue, notamment en heure de pointe.


Pouvons-nous en conclure que, à Bordeaux, « les incidences du projet sur les modes doux, ou actifs (piétons et cyclistes) sont fortes et positives » comme l’indique l’étude d’impact du projet de BHNS ? Les cyclistes seront-ils « très bien protégés de la circulation motorisée » comme le recommande Vélo-Cité pour 80 % des infrastructures de son plaidoyer ?


« Si vous voulez savoir si une voie est cyclable, demandez-vous si vous laisseriez votre enfant circuler sur celle-ci. »


Certes, les équipes élues aux dernières municipales (notamment à Bordeaux) ont pour objectif de rééquilibrer l’espace public, en réduisant la place de la voiture (suppression de places de stationnement ou de voies de circulation au profit des mobilités actives). Cependant, les mécontents risquent d’être nombreux. Qu’adviendra-t-il des projets ? L’exemple de Talence où la mairie a fait machine arrière pour la moitié de ses « coronapistes » est déjà un mauvais signe. *


Si comme nous le recommandions, la partie intra-boulevard du projet de BHNS était remplacée par un métro, le plan de Vélo-Cité pourrait être réalisé à la perfection, avec des voies réservées aux cyclistes, y compris en plein centre de Bordeaux. La vitesse commerciale des transports en commun dépasserait ainsi les 11,2 ou 12,1km/h estimés par l’étude du BHNS. Sans concurrence avec les bus, celle des cyclistes augmenterait naturellement pour se rapprocher de la vitesse cible de Vélo-Cité (19km/h).


Plus généralement, le plan de Vélo-Cité se heurte à une réalité : la ville est déjà bâtie, les rues sont plus ou moins étroites, et l’espace public n’est pas extensible, sauf à penser la ville en 3D pour gagner de la place en surface. Un métro ne supprimerait pas totalement la nécessité de faire des choix en surface pour favoriser les modes actifs de déplacement. Mais il permet de réaffecter l’essentiel de l’espace gagné sur la voiture au profit de ces modes doux, sans qu’ils aient à partager leur voie avec des bus ou des tramways.


On peut d’ailleurs noter que toutes les villes connues pour leur importante part modale du vélo (Copenhague, Amsterdam, bientôt Paris?) s’appuient sur des réseaux de métros performants.



Métro, Vélo : des solutions à opposer ?


Comme nous venons de le voir, l’inauguration d’un métro rendrait un grand service aux usagers de la bicyclette. Mais plus globalement, est-ce que les solutions métro et vélo sont à opposer ?


En période de pandémie : le vélo soutient les métros bondés


Comme le note un article du Monde*, en cette période de crise sanitaire, une part de la hausse de la fréquentation des nouvelles pistes cyclables parisiennes provient d’usagers du métro. Cette part reste, malgré tout, relativement faible comparée à celle des utilisateurs des transports en commun parisiens. Elle a surtout permis de donner une bouffée d’oxygène à un réseau qui est parfois proche de la saturation. En réalisant une portion des trajets les plus courts, le vélo soutient le métro, en désengorgeant ses lignes. Dans notre contexte bordelais, un métro et une piste cyclable permettraient de désencombrer le tram B en direction de l’université. Il ne faut donc pas opposer les modes, mais les voir comme des solutions de mobilités additionnelles. De plus, comme le vélo ne permet pas d’aller aussi vite et aussi loin, leurs rayons d’action ne sont pas les mêmes. Au-delà d’une certaine distance, le vélo perd de son efficacité, alors que pour de courtes distances, il est le plus efficace.


Intermodalité


Comme les deux modes de transport ne possèdent pas exactement les mêmes rayons d’action, ils sont, de fait, complémentaires. La bicyclette est par exemple un très bon complément au métro pour le dernier kilomètre (souvent entre le domicile ou le lieu de travail et la station). Il est, en effet, inenvisageable de desservir chaque rue avec une station. La solution vélo complète la solution métro avec son maillage plus fin.

Ainsi, plusieurs métros en Europe proposent d’embarquer des cycles dans une rame spécifique, en dehors des heures de pointe. C’est, par exemple, le cas à Lausanne avec l’opération « les vélos, toujours côté lac » ou à Copenhague.

S’il n’est pas toujours possible d’embarquer avec sa bicyclette, d’autres possibilités existent comme le système dit de « double vélo », très populaire au Pays-Bas. Il consiste à utiliser 2 vélos : un entre le domicile et le métro / RER, puis un autre entre le métro et sa destination. Les usagers de cette solution laissent donc un vélo en attente dans la station la plus proche de leur destination. Il n’est donc pas question d’installer de simples arceaux, mais plutôt des abris ou des parkings sécurisés pour y stationner les vélos plus longtemps.

Dans ce but, la métropole a, par exemple, installé des abris sécurisés à proximité de stations de tram. Leur point commun ? Ils ont systématiquement été installés en dehors des zones denses. Le manque de place, toujours, empêche l’installation de ce genre d’équipement dans le centre.

Au total, la métropole ne propose que seulement 160 places en abri vélo (hors parking relais et gare Saint-Jean).



Une nouvelle fois, penser la ville en 3D est une solution. Le métro, en libérant de la place en surface, permettrait l’installation d’abris sécurisés à Bordeaux. Mieux, comme à la gare Saint-Jean, on pourrait aussi imaginer intégrer directement un parking vélo dans certaines stations du futur métro.


Multimodalité


Selon l’enquête « Keoscopie international » réalisée par le groupe Keolis dans 37 zones urbaines de 15 pays, 62 % des personnes interrogées déclarent utiliser des modes de transport différents entre l’aller et le retour.

57 % changent de mode de transport d’un jour à l’autre. À Amsterdam, ville où la part modale du vélo est particulièrement développée, cette variation touche 28 % des interrogés. La distance, la météo, la vitesse de chaque mode ou encore le besoin de transporter des charges influent sans doute sur le mode choisi. Individuellement, les attentes et besoins de mobilités diffèrent chaque jour.

Impossible, donc, de limiter une personne à un seul mode de transport : les offres de transport sont sélectionnées en fonction des besoins journaliers.


Bonus : le métro pour lutter contre le vol des vélos


La pratique du vélo est en plein essor. Elle reste malgré tout freinée par la crainte du vol et l’absence de solution de stationnement. Selon le bureau d’étude 6t, cité par Challenges, 46 % des cyclistes renoncent parfois à utiliser ce mode par crainte du vol.

En hypercentre, les immeubles, conçus avant l’explosion de la pratique, n’offrent que rarement des solutions pour stationner sa bicyclette. Pour parer à ce problème, la municipalité de Bordeaux et la métropole prévoient de déployer des vélobox.

En plus de ces box, les parkings vélos des stations de métro (imaginés dans le point sur l’intermodalité) pourraient être une réponse beaucoup plus qualitative et quantitative à ces problématiques de stationnement. Ils deviendraient le parking manquant dans les vieux immeubles ou échoppes bordelaises !



Plus généralement, la création d’un réseau de métros est l’occasion de repenser l’aménagement en surface. C’est, évidemment, l’occasion d’organiser un report modal vers les modes actifs. Un apaisement général découlerait d’un tel report vers les modes « doux » ou souterrains. Une plus grande piétonnisation de la ville pourrait également être envisagée. La plantation du million d’arbres prévus par la métropole serait aussi facilitée.


Pour Vélo-Cité, l’arrivée d’un métro serait sans doute l’occasion de recommander de larges pistes 100 % réservées aux vélos...

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