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Photo du rédacteurMickaël Baubonne

Non, le bilan carbone d’un métro n’est pas négatif !

Dans son facebook live du jeudi 8 avril 2021, Alain Anziani, président de la métropole de Bordeaux, a été interrogé sur la date de l’étude sur un métro à Bordeaux. À cette occasion, il a rappelé que l’impact sur l’environnement et la santé de la population était un critère pour apprécier la nécessité et la faisabilité des futurs projets de mobilité. Sans avancer de données concrètes, Alain Anziani a alors laissé entendre que le bilan carbone du métro serait nécessairement négatif à cause d’un coût carbone exorbitant. Et pourtant, loin de leur nuire, le métro peut justement favoriser et contribuer à la protection de l’environnement et de la santé de la population davantage qu’aucun autre projet ! C’est la somme des avantages du métro en termes de mobilité et en termes d’urbanisme qu’il faut considérer, au-delà de son coût carbone, pour déterminer s’il nuit ou protège l’environnement et la santé de la population. Si seulement tous les projets de la Métropole avait le bilan carbone du métro…


Le métro : un bilan carbone positif

Le métro : un coût carbone rapidement compensé

Il est important que le bilan carbone soit un critère de décision. On regrettera d’ailleurs que les considérations environnementales ne guident pas toujours les prises de position. Où est le bilan carbone des navettes aériennes que certains veulent maintenir ? Où est le bilan carbone de l’urbanisme mis en œuvre dans les opérations d’intérêt métropolitain et qui favorise l’usage de la voiture au point d’imposer l’ajout d’une 3e puis d’une 4e voie sur la rocade ? Où est encore le bilan carbone du RER et des cars express ? Il serait bon de vérifier de tout projet ce que l’on exige du métro.

La construction du métro suppose des travaux, qui ont nécessairement un coût carbone. Ce coût tient compte de l’impact environnemental des études conduites pour s’assurer de la pertinence et de la faisabilité du projet, des déplacements effectués en lien avec le chantier, des opérations de démolition et de terrassement, de l’excavation et du transport des déblais, du changement d’affectation des sols, de la réalisation du tunnel, de la plateforme, des stations et des pôles d’échange. L’ensemble de ces postes représente à Toulouse, pour la construction d’une troisième ligne de métro de 27km et le prolongement de la deuxième ligne sur 2,7km, 210 000 tonnes équivalent CO2. À cela il faut ajouter les conséquences de l’exploitation et de l’entretien du métro, évaluées à 4 000 tonnes équivalent CO2 chaque année à Toulouse.

(TAE : 3e ligne de métro de Toulouse / CLB : prolongement de la 2e ligne de Toulouse)
À Toulouse...il suffit de cinq années pour rentabiliser l’investissement d'un métro d’un point de vue environnemental

Aussi significatif ce coût soit-il, il est rapidement compensé par des bénéfices environnementaux conséquents qui permettent d’économiser 46 300 tonnes équivalent CO2 par an à Toulouse. À ce rythme, il suffit de cinq années pour rentabiliser l’investissement d’un point de vue environnemental. Un projet de métro optimisé à Bordeaux pourrait donc contribuer très rapidement à la lutte contre le changement climatique plus que tout autre projet de la Métropole. À titre d’exemple, les 32 000 tonnes équivalent CO2 liées à la construction de l’unique projet de transport en commun qui a fait l’objet d’un bilan carbone à Bordeaux, le bus à haut niveau de service devant relier Saint-Aubin de Médoc à la gare Saint-Jean, sont amorties en 8 ans. Le métro prend donc l’avantage et ce n’est que le début.

À Bordeaux il faut 8 ans pour amortir le coût carbone d'un BHNS contre 5 à Toulouse pour un métro !

Le métro : un champion des économies de gaz à effet de serre

Ne considérer que le coût carbone amènerait à privilégier des projets aux impacts moindres mais aux bénéfices plus limités, voire au bilan plus aléatoire. En effet, dès que le coût carbone a été compensé, les économies réalisées s’additionnent d’année en année.

À 10 ans, le métro à Toulouse se révèle donc 25 fois plus efficace que le BHNS à Bordeaux pour la protection de l’environnement et de la santé de la population !

Là où le développement du métro à Toulouse permettra d’économiser tous les ans 46 300 tonnes équivalent CO2, le bus à haut niveau de service à Bordeaux évitera l’émission de 3 700 tonnes équivalent CO2 par an seulement. En retranchant des économies totales de gaz à effet de serre le coût carbone lié à la construction et à l’exploitation, le bilan de la troisième ligne de métro de Toulouse reste largement favorable avec près de 250 000 tonnes équivalent CO2 économisées au bout de 10 ans d’exploitation contre 10 000 pour le BHNS à Bordeaux. À 10 ans, le métro se révèle donc 25 fois plus efficace que le BHNS pour la protection de l’environnement et de la santé de la population ! Est-ce que cela ne justifie pas d’investir 6,5 fois plus au départ ?


Le métro encourage le report modal depuis la voiture

En France, 41% des émissions de CO2 dues à la combustion d'énergie ont pour origine le secteur des transports. Les transports routiers sont l’une des principales sources de pollution dans nos villes. La protection de l’environnement et de la santé de la population suppose dès lors de convaincre des automobilistes à quitter leur voiture et de tout faire pour diminuer l'usage et l'intérêt de ce mode de transport diminue. Or, non seulement le métro est lui-même plus compétitif, mais en plus il renforce la compétitivité des autres alternatives à la voiture.

La protection de l’environnement et de la santé de la population suppose de convaincre des automobilistes à quitter leur voiture.

De la voiture vers les transports en commun

Le métro circule à plus de 30 km/h et devrait même atteindre 40 km/h sur la troisième ligne de Toulouse. Cette vitesse est par ailleurs augmentée par une fréquence plus importante que celle du tramway. Le métro garantit également des trajets plus confortables grâce à une plus forte capacité et à une plus grande réactivité. Circulant en site propre intégral, le métro se caractérise aussi par une fiabilité aujourd’hui inconnue sur le réseau de transport en commun de Bordeaux Métropole.

Ponctualité
Taux de ponctualité

Les pannes sont beaucoup moins nombreuses et les interruptions liées à l’occupation des voies sont même nulles sur les métros équipés de portes palières.


Taux de pannes pour 10 000 km
Taux de pannes pour 10 000 km
Le métro dope l’attractivité de l’ensemble du réseau de transport en commun

Dans ces conditions, le métro permet de capter de nombreux usagers qui préféraient jusque-là leur voiture. De plus, en s’appuyant sur les lignes de tramway existantes et en permettant le redéploiement des bus, le métro dope l’attractivité de l’ensemble du réseau de transport en commun. Au gré des correspondances, même les usagers qui ne sont pas directement desservis par le métro gagnent du temps. Grâce au métro, les tramways et les bus peuvent séduire eux aussi de nouveaux voyageurs, qui n’utiliseront plus leur voiture.


De la voiture vers les modes actifs de déplacement

Contrairement au tramway, le métro laisse de la place en surface pour le développement des modes actifs (vélo, marche...). Pour circuler, un tramway ou un bus a besoin de beaucoup d’espace en surface. À cause de la largeur des rues à Bordeaux, la mise en service d’une ligne de tramway ou d’un bus à haut niveau de service se fait toujours au détriment de la voiture, certes, mais aussi des modes actifs de déplacement. Ludovic Fouché, président de Vélo-Cité, l’a résumé ainsi : « À Bordeaux, le tram a fait beaucoup de mal au vélo. Et là où il y a le tram, il y a très peu de place pour faire des pistes cyclables. » L’inauguration de la ligne D du tramway l’a encore prouvé.

"À Bordeaux, le tram a fait beaucoup de mal au vélo. Et là où il y a le tram, il y a très peu de place pour faire des pistes cyclables." Ludovic Fouché

Le bus à haut niveau de service reliant Saint-Aubin de Médoc à la gare Saint-Jean pourrait s’avérer désastreux puisqu’il évolue dans des voies partagées de 3,2 m, voire de 3 m, sur l’essentiel de son parcours bordelais, précisément là où les vélos sont les plus nombreux. Une telle configuration n’est ni favorable aux usagers des bus, qui devront se contenter d’une vitesse commerciale ridicule, ni aux cyclistes.

Au contraire, un métro n’empiète pas sur la surface. Il évite donc que l’espace pris sur la voiture ne soit monopolisé par les transports publics. Les conflits d’usage, avec des conséquences parfois dramatiques, sont exclus avec un métro.

À Rennes, l’aménagement de la 2e ligne de métro permet aux cyclistes et aux piétons de gagner du terrain.

À Rennes, l’aménagement de la 2e ligne de métro permet aux cyclistes et aux piétons de gagner du terrain. Avec des infrastructures plus agréables et plus efficaces réalisées grâce aux gains d’espace permis par le métro, les modes actifs de déplacement sont plus attractifs. Il n’est dès lors pas étonnant de voir des associations promouvant le vélo se féliciter de la réalisation d’une ligne de métro.


Le métro évite le report modal vers la voiture

Convertir des automobilistes aux transports en commun, au vélo ou à la marche, c’est bien. Encore faut-il veiller à ce que des usagers des transports en commun ne fassent pas le chemin inverse !

Le métro peut justement contribuer à fidéliser les actuels usagers qui pourraient être tentés de reprendre leur voiture devant la dégradation des performances des transports en commun à Bordeaux.

La crise sanitaire actuelle a malheureusement montré que les usagers des transports en commun ne s’engagent pas définitivement et qu’ils pouvaient très vite s’en détourner, au profit du vélo et de la marche bien sûr, mais surtout au profit de la voiture.

Le métro peut justement contribuer à fidéliser les actuels usagers qui pourraient être tentés de reprendre leur voiture devant la dégradation des performances des transports en commun à Bordeaux. Si l’on ajoute à la dégradation des performances du réseau TBM l’appel de la campagne, où l’utilisation de la voiture est d’ailleurs tout à la fois plus facile et nécessaire, nous avons un cocktail détonnant qui promet de beaux jours à l’autosolisme !

Fidéliser les usagers déjà présents est donc au moins aussi important que d’en attirer de nouveaux.

Fidéliser les usagers déjà présents est donc au moins aussi important que d’en attirer de nouveaux. Pourtant, les projets de la métropole se concentrent sur la séduction de nouveaux usagers et négligent trop souvent leurs conséquences sur le réseau et la situation de ses usagers actuels. On le voit notamment avec le RER qui amènera davantage d’usagers vers des tronçons de tramway déjà congestionnés. On l’a constaté également avec la ligne D qui se greffe sur la ligne C aux Quinconces au détriment de la régularité et de la vitesse commerciale aux heures de pointe.

Au contraire, c’est un objectif du métro que d’améliorer sensiblement les conditions de transport des usagers actuels et d’en séduire de nouveaux. D’ailleurs, comme à Toulouse, le métro à Bordeaux prendra certainement des usagers aux transports en commun existants. Mais, d’une part, cela permettra de diminuer leur congestion et donc d’attirer de nouveaux usagers. Et, d’autre part, à défaut de métro, une partie de ces usagers se reportera sur d’autres modes, dont la voiture.

Directement et indirectement, le métro contribue donc à éviter la réalisation de milliers de kilomètres en voiture et la pollution liée.


Le métro est un investissement durable

Le métro est un investissement bien plus durable que tout ceux réalisés jusqu'à présent, en ce qu’il peut satisfaire la demande bien plus longtemps.

Le coût carbone d’un métro peut inviter qui se désintéresse du bilan carbone à privilégier des solutions dont la construction serait a priori plus économe. Puis on s’apercevra que cette solution ne répond pas pleinement aux besoins au point de congestionner le réseau. C’est exactement le cas du tramway à Bordeaux qui a commencé à présenter d’inquiétants signes de saturation moins de 15 ans après son inauguration. La ligne la plus achalandée transporte quotidiennement 130 000 voyageurs par jour sur plus de 20 kilomètres. C’est beaucoup pour du tramway mais ça ne répond pas malgré tout à la demande.

À quoi bon présenter un coût carbone faible si les travaux engagés ne répondent pas aux besoins et imposent très vite de reconstruire autre chose à la place ?

Cette congestion impose de lourds travaux sur un réseau qui vieillit prématurément et sur lequel il faut créer des marges de manœuvre qui sont aussitôt dépassées. Elle se traduit donc par un coût carbone qui n’a pas été anticipé et qui aurait sans doute contribué à relativiser l’avantage de ces solutions alternatives au métro. La situation sera pire encore pour le bus à haut niveau de service. S’il est prévu que son coût sera amorti en huit ans, c’est dans des conditions extrêmement favorables. Or les bus de 18m, comme aujourd’hui, qui vont être achetés pour l’exploitation de la ligne seront bien insuffisants pour répondre à la fréquentation de 50 000 voyageurs par jour, concentrée essentiellement entre les boulevards et la gare. Il faudra donc ajouter des véhicules, les faire rouler. Sans doute s’useront-ils plus vite, comme le tramway, à cause de la saturation. Il faudra donc les renouveler. Davantage empruntée, l’infrastructure connaîtra certainement de lourds travaux, comme le tramway. Finalement, il faudra sans doute envisager de remplacer le BHNS par un autre moyen de transport, plus capacitif. A défaut d'avoir appris des leçons du BHNS de Nantes, les économies qui devaient être réalisées ne le seront peut-être jamais. À quoi bon présenter un coût carbone faible si les travaux engagés ne répondent pas aux besoins et imposent très vite de reconstruire autre chose à la place ?

...jamais des bus ou des tramways n’ont remplacé un métro depuis son invention en 1863.

Au contraire, le métro est un investissement bien plus durable en ce qu’il peut satisfaire la demande bien plus longtemps. La ligne A du métro de Rennes était au départ conçue pour ne transporter que 77 500 voyageurs par jour sur 9 kilomètres. Sa fréquentation quotidienne est aujourd’hui de 140 000 voyageurs par jour et elle devrait encore augmenter avec l’inauguration de la ligne B. D’ailleurs, si des métros ont déjà remplacé des tramways et des bus, jamais des bus ou des tramways n’ont remplacé un métro depuis son invention en 1863.


Le métro favorise un urbanisme durable

L’urbanisme ne peut être durable que s’il encourage l’utilisation des modes de transports les moins polluants tout en consommant le moins d’espace possible. Il s’agit donc de construire à proximité des infrastructures de transport en commun. C’était l’objet de l’opération 50 000 logements autour du tramway. Cependant, construire autour de transports en commun qui n’absorbent pas la demande et dont les performances se dégradent peut être tout à fait contreproductif. La saturation et la vitesse commerciale réduite du tram et des bus renforcent l’attrait de la voiture. Or, la voiture amène souvent à privilégier d’autres formes d’habitat, plus consommatrices d’espace, dans des zones moins bien et plus difficilement desservies par les transports en commun mais où l’utilisation de la voiture est tout à la fois moins coûteuse a priori et plus facile.

Le cercle vicieux de l'étalement urbain
Plus attractif, plus rapide, plus fiable, le métro diminue l’intérêt de la voiture et de l’urbanisme diffus qu’elle favorise.

Grâce à sa capacité et à son attractivité, le métro permet quant à lui de construire plus densément autour des stations, ce qui assure par ailleurs sa rentabilité socio-économique. Plus attractif, plus rapide, plus fiable, le métro diminue l’intérêt de la voiture et de l’urbanisme diffus qu’elle favorise. Le métro est ainsi un outil efficace pour lutter contre l’étalement urbain.

Ce modèle d’urbanisme moins consommateur d’espace associé au métro dont l’emprise est très réduite permet enfin de végétaliser la ville quand les abords du tramway ou d’un bus en site propre sont largement minéraux.

Autour de la ligne B du métro de Rennes
Autour de la ligne B du métro de Rennes

En effet, non seulement il est difficile d’envisager de planter des arbres au milieu de la plateforme d’un tram ou d’un bus (!) mais en plus la construction de ces transports en commun en site propre en surface suppose de dévier les réseaux, réduisant d’autant l’espace pouvant être dévolu à la végétalisation.

L'environnement minéral du tramway et du BHNS
L'environnement minéral du tramway et du BHNS

C’est la somme de ces avantages du métro en termes de mobilité et en termes d’urbanisme qu’il faut considérer, au-delà de son coût carbone, pour déterminer s’il nuit ou protège l’environnement et la santé de la population. Si seulement tous les projets de la Métropole avait le bilan carbone du métro…

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