Dans son facebook live du jeudi 8 avril 2021, Alain Anziani, président de la métropole de Bordeaux, s’est risqué à comparer le coût au kilomètre du métro et du tramway. Une telle comparaison n’est pas pertinente puisqu’un métro peut transporter 3 fois plus de voyageurs par heure et par sens. C’est comme si une famille nombreuse faisait le choix d’un studio parce que c’est moins cher. On ne construit pas un projet de vie comme un projet d’infrastructure parce qu’il est quatre fois moins cher qu’un autre. C’est ce genre de comparaisons hasardeuses qui amène une métropole à mettre un tramway ou, moins cher encore, un bus là où il faudrait un métro. C’est aussi ce genre de comparaisons qui explique "l’échec collectif" de la Métropole en matière de mobilités. Il est curieux que le président Anziani, qui a le courage de faire ce constat d’un échec collectif, continue à appliquer ce raisonnement qui en est la cause. Faire ce constat, c’est bien. Il faut maintenant en tirer les leçons !
Le métro répondra aux besoins de 2030, le tramway seul non !
Une infrastructure de transport doit répondre à des besoins. Or, la trajectoire du réseau TBM a été communiquée par l’a’urba il y a 10 ans, en 2011. Entre 275 000 et 350 000 voyages supplémentaires seront effectués chaque jour sur le réseau TBM en 2030 ! Depuis 2011, cette trajectoire se réalise fidèlement aux prévisions avec un nombre de voyageurs toujours croissant. La Métropole a pourtant continué à développer le tramway au-delà de son seuil de pertinence jusqu’à la situation de saturation que nous connaissons aujourd’hui ! De nombreux axes de la Métropole qui ont une densité très importante, plus importante pour certains que celle autour du tramway aujourd’hui, ne sont pas suffisamment desservis. Cette densité impose un métro et condamne irrémédiablement à l’échec tout projet de tramway ou de bus sur ces corridors. Le métro serait une pièce maîtresse, à côté du train, du tram, du bus, du bateau et du téléphérique pour répondre aux besoins de mobilités demain.
Un métro peut transporter 3 fois plus de voyageurs qu'un tramway !
Un métro coûte effectivement 100M€/km. Mais ce coût doit être systématiquement rapporté aux avantages du métro, qui peut transporter plus de 20 000 voyageurs par heure et par sens (Toulouse, ligne A), quand le tramway sature à 6600 voyageurs et un bus à haut niveau de service à seulement 2400 voyageurs.
L’association Métro de Bordeaux est née sur une étude qui chiffrait le métro à 93M€/km et Julien Pelletange, auteur pour la Métropole d’une étude approfondie sur le métro en 2019, s’est quant à lui basé sur un coût de 90M€/km. Contrairement à ce que laisse entendre le président, il n’y a donc aucune discussion ou contestation sur l'ordre de grandeur annoncé pour le métro.
Un métro sera rentable à exploitation, le tramway non !
Dans sa présentation à charge du métro, Alain Anziani oublie de rappeler que les coûts d’exploitation du métro sont bien moins élevés que ceux du tramway et similaires à ceux des bus.
En moyenne, chaque kilomètre effectué par le métro lyonnais coûte 6€ à la collectivité. Dans ces conditions, des métros comme Rennes couvrent même leurs dépenses d’exploitation par les recettes. À Bordeaux, l’exploitation du tramway, minée par la saturation, les incidents, les ralentissements et les interruptions à répétition, revient à plus de 11€/km !
Bien des métropoles comparables à Bordeaux, voire même plus petites, ont construit un métro ou l’envisagent malgré ce coût parce que les avantages sont autrement plus importants.
Le coût de la construction d’un métro n’est qu’une donnée parmi de nombreuses autres. Rennes, Brescia, Toulouse, Graz et même Nice désormais… Bien des métropoles comparables à Bordeaux, voire même plus petites, ont construit un métro ou l’envisagent malgré ce coût parce que les avantages sont autrement plus importants.
Ne considérer que le coût de construction du métro sans rappeler un seul de ses avantages témoigne donc d’une erreur grossière de raisonnement. L’erreur est encore plus grossière quand les données de la comparaison tramway/métro sont fausses puisque, au mieux à Bordeaux, 1 km de tramway coûte 27M€ et non 20 comme l'indique le président Anziani, soit une erreur de 35% !
Quel que soit le projet, c’est le coût global de l’opération qu’il faut considérer : construction et exploitation.
Quel que soit le projet, c’est le coût global de l’opération qu’il faut considérer : construction et exploitation. C’est précisément parce que la Métropole a trop tendance à ne considérer que le coût à la construction, a fortiori avec une marge d’erreur de 35%, que la Métropole a poussé le tramway au-delà de sa zone de pertinence. Les leçons d’hier devraient amener la Métropole à considérer le coût global de tout projet et son président à dresser un tableau beaucoup plus nuancé.
Le tramway bordelais : un projet qui a dépassé son seuil de pertinence
En 2011, l'a'urba annonçait que, d'ici 2030, le nombre de voyages augmenterait entre 275 000 et 350 000 par jour sur le réseau TBM. Il s'agit là d'un chiffre considérable (voire énorme) qu'un réseau de tramway ne peut pas absorber, même complété par un téléphérique ou des bus. La Métropole a pourtant choisi de continuer de développer son réseau en surface jusqu'à ce qu'il dépasse son seuil de pertinence avec des lignes trop longues, une vitesse commerciale trop faible et une infrastructure qui s'épuise face à la surexploitation (plus de rames, des fréquences plus élevées). Cet "échec collectif", de l'aveu du président Anziani, est le résultat d'une politique du tout tramway qui déjà aujourd'hui et encore plus demain ne pourra répondre aux besoins de la métropole.
Un projet mal calibré, très couteux à exploiter
Quand l’infrastructure est dépassée par la demande, c’est un échec. Une telle situation entraine de nombreux surcoûts liés à la saturation, à l’usure prématurée, à la baisse des performances. La métropole est déjà confrontée à cela : la très forte demande s’exerçant sur le réseau de tramway a conduit à l’achat de nouvelles rames, qu’il faut entretenir, réparer, renouveler, et en tout premier lieu faire rouler !
Un projet mal calibré est toujours moins cher… au départ et seulement au départ !
Plus de rames, c’est aussi une infrastructure qui s’use plus vite. Cette usure prématurée impose des travaux préventifs et curatifs plus lourds et plus coûteux et contribue à l’usure des rames. À Bordeaux, l’infrastructure vieillissante du tramway, alors qu’elle a moins de 20 ans, oblige chaque rame à utiliser ses batteries 150 fois par jour en moyenne. Dans ces conditions, les batteries, elles-mêmes sur-sollicités, tombent en panne et participent de la paralysie du réseau.
Tout cela représente des surcoûts qui n’étaient pas anticipés quand il s’agissait de se gargariser d’avoir un projet quatre fois moins cher ! Un projet mal calibré est toujours moins cher… au départ et seulement au départ !
À Bordeaux, construire un tramway c’est 27M€/km et non 20 !
Alors qu’Alain Anziani a fait remarquer que le premier inconvénient du métro est son coût, il le compare aussitôt aux 20M€/km que coûterait le tramway. Or la Métropole n’a jamais pu ou n’a jamais su construire une phase du tramway à ce prix.
Dans un environnement plus favorable car moins urbain, avec des voies uniques spécialement prévues pour alléger la facture, même la dernière phase du tramway a coûté 27M€ du kilomètre.
20M€/km...la Métropole n’a jamais pu ou n’a jamais su construire une phase du tramway à ce prix
Ces chiffres ne proviennent pas de calculs de l’association Métro de Bordeaux mais bien de la Métropole elle-même, et plus exactement du dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique du bus à haut niveau de service entre Bordeaux et Saint-Aubin de Médoc (document 2, p. 33).
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